Le cri d’une femme
Le cri d’une femme
Je m’appelle Camille, Marina, Theresa, Sophie…
Chaque soir me donne un nouveau nom et un nouveau rôle. Mon métier me fait rencontrer un tas de personnes différentes : des grands, des petits, des bruns, des blonds, des gens tendres, des plus violents et parfois même des gens qui manquent d’hygiène. Mon quotidien est rempli de tout ces gens, mais je me refuse à voir leurs visages. D’ailleurs je ne sais même plus à quoi ressemble le mien. Voilà longtemps que j’ai perdu le privilège innocent de le regarder. Je ne dirais pas que ce visage me fait honte, ou qu’il soit horrible, mais voilà, il n’est plus le mien. Je l’ai donné un jour, avec le reste de mon corps. D’ailleurs je ne sais plus très bien ce qui m’appartient…
Chacune de mes journées m’apporte un peu plus de cette lourdeur que l’on appelle ‘fardeau’. Donc je crois qu’aujourd’hui il fallait que j’en parle…
Je dois dire des choses que tout ces gens voudraient que je taise. Ces gens…! Qui ont réussi à me faire croire que je ne faisais plus partie de la société. Parfois j’en viens à me demander si je suis encore humaine. Moi, qui suis la femme sans nom et sans visage. Moi qui ne suis que le reflet des fantasmes, des plus innocents aux plus sordides. Moi qui suis née femme mais que l’atrocité des hommes a rendu chienne. Je voudrais pour le respect des bonnes mœurs me taire. Mais voilà trop longtemps que j’étouffe dans ma chair tout ces maux.
Vous savez, je pense qu’on s’est tous posé un jour la question : comment pourrai- je gagner de l’argent vite et facilement ? Ces jours où une grosse facture nous tombe dessus, ou qu’on a envie de cette paire de botte dans la vitrine. Que l’on doit de l’argent, ou même encore parce qu’il faut manger. Alors pour y répondre ont fait des choses et d’autres. Je pensais avoir trouvé une bonne idée. Ce serait simple et juste une fois. Mais quand on vend son âme au diable on est damné pour toute sa vie. Me voilà prise dans l’engrenage du sexe sans charme. Mon corps a un tarif pour lequel j’en paye jour après jour le prix. Parfois on pense pouvoir arrêter, mais quand a dégrafé la moitié des ceintures de Paris, on a l’impression qu’on ne sait plus faire que ça. Ou du moins qu’on ne vaut pas mieux que de faire que ça ! L’estime de soi… Je ne sais plus ce que c’est. Je connais juste la répulsion de l’haleine chaude de l’ivrogne, sur ce corps que je crois être le mien. Je connais juste cette violence inouïe de l’homme qui fait exploser en moi ses instincts les plus pervers. Je connais juste ces mots, que l’on me susurre dans l’oreille mais qui n’ont rien de sensuels…
Vous me direz que je l’ai voulu. Mais moi je crois que quand une fille est prête à vous vendre son corps alors que l’un pour l’autre vous êtes des inconnus, c’est que cette fille n’est pas facile, mais perdue. Mes mots sont peut être amer, mais ma vie est sordide. La douceur, le respect, la confiance, sont des choses auxquelles je ne peux plus croire.
Moi ! Qu’on dit travailleuse du sexe ou esclave sexuelle…
Moradéké A. (inspiré par une phrase d’Edi) le 25/01/2009